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L’urbanisme faisant partie des thèmes principaux de notre magazine « La brique », nous avons lu avec grand intérêt votre article consacré au projet de la tour « Convergence », au carrefour central de Saint-Louis (« L’Alsace » du 28 janvier 2022). Nous avons pu également, consulter la pétition du collectif des opposants, grâce à vos utiles indications.
Dommage que ce manifeste reste au stade de la protestation confidentielle, puisqu’il n’est pas facile pour le commun des mortels de la repérer sur le site internet qui l’héberge. Fort bien rédigée et argumentée, elle est une vraie leçon d’urbanisme, visant la qualité de vie optimale. On en peut que souscrire aux constats et aux principes vertueux qui y sont exposés. Mais cette pétition pose le problème sous l’angle de l’idéal, qui, hélas, se superpose rarement aux réalités. Le possible sera le plus souvent le résultat d’un compromis entre des intérêts et des exigences contradictoires.
Pour le projet de la tour « Convergence », quel peut être le compromis acceptable ? On voit bien l’intention de la municipalité de favoriser un projet privé, qui réglera un vieux point noir au centre-ville (cette placette-parking en mauvais état, où les nids-de-poule se développent en dangereux cratères), tout en créant une certaine cohérence dans le programme des hauts immeubles destinés à « muscler » le cœur de ville, et cela, sans dépenser un sou, et mieux, en en tirant le plus grand bénéfice pour le budget communal, avec l’apport de taxes et redevances que verseront d’abord le promoteur-constructeur, au lancement de l’opération, puis les futurs occupants. Après les deux tours programmées aux entrées ouest et est du centre-ville (l’« Alcazar », en voie de livraison et l’îlot « Archipel » à l’angle des rues de Bâle et du Rhône, en projet), une tour-phare, plus haute, à l’intersection centrale, quoi de plus logique ?
C’est que cette placette-parking, fort appréciée des automobilistes, qui aiment se garer en surface au centre-ville, est en réalité un terrain privé que son ou ses propriétaires laissent à la disposition du public, dans l’espoir qu’un jour, leur désintéressement et leur sens de l’intérêt public soient reconnus et indemnisés par la ville. Pour régulariser la situation et corriger ce point noir, les autorités municipales avaient donc le choix entre deux options : soit acheter ou louer la placette en question et entreprendre ensuite les travaux de restauration nécessaires, soit donner son feu vert – les permis de démolir et de construire- à une opération immobilière privée, où le promoteur-constructeur s’arrange avec les propriétaires du site et les commerçants qui l’occupent pour indemniser correctement leur éviction.
La municipalité pour les raisons indiquées plus haut, a choisi le second scénario, s’épargnant ainsi les dépenses relativement élevées, vu la valeur des terrains constructibles en centre-ville, pour avoir la maîtrise du terrain. Elle s’ouvre au contraire des perspectives de recettes substantielles, de quoi financer largement la création de places de crèche, d’école, de services sociaux supplémentaires, liés à la densification du centre-ville. Et cela en donnant satisfaction aux propriétaires et commerçants du site, qui ont accepté le contrat avec le promoteur-constructeur.
Mais, pour équilibrer, voire rentabiliser son opération, le promoteur-constructeur devra pouvoir en vendre des mètres carrés de surface habitable. Comme l’emprise au sol est restreinte, il faudra monter cet immeuble, haut, très haut, en l’occurrence pas moins de dix-sept étages !
Et là, se posent des questions qui mériteraient un examen approfondi. Le carrefour central de Saint-Louis, déjà passablement saturé en trafic routier, peut-il supporter un chantier de cette envergure, qui durera au bas mot deux à trois ans, obligeant à neutraliser au moins un axe de circulation, pour implanter la grue grande hauteur, les baraques et engins de chantier, et laisser assez de place pour le va-et-vient des camions-toupies de transport du béton ? Les derniers commerces riverains ne risquent-ils pas d’être asphyxiés par les embarras de circulation et de stationnement, prévisibles pendant la durée du chantier ? Le Centre des pompiers de Saint-Louis dispose-t-il d’une grande échelle à nacelle, assez longue pour pouvoir porter secours, en cas de sinistre, touchant les étages supérieurs, aux futurs occupants en détresse ? Mais surtout, le promoteur-constructeur réussira-t-il à réunir les promesses de vente de 75 % des surfaces habitables, seuil en deçà duquel le lancement même de l’opération serait très risqué, à moins de disposer de tonneaux d’argent liquide à convertir dans la pierre ? Ou de tabler sur des garanties municipales d’achat de lots, sous forme de logements sociaux ou autres locaux utiles à la collectivité ?
Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que de précédentes opérations immobilières d’une certaine envergure, à Saint-Louis, auraient été en grande difficulté, si la ville ou des organismes d’intérêt public n’étaient pas venus à leur rescousse. Ainsi, dans les années 1970, la rénovation du quartier de la Gare, qui a fait table rase de tout un pan de ville, plus ou moins vétuste, dont l’ancienne brasserie de caractère, a dû son salut, devant le peu d’empressement de promoteurs privés, à l’entrée en lice de sociétés d’HLM de France, dont celle qui réalisera la tour-phare de l’opération, sous le régime d’« immeuble à loyer normal », le haut de gamme à l’époque des logements sociaux locatifs. Grâce à cela, Saint-Louis peut s’enorgueillir aujourd’hui d’être largement dans les clous de la loi, imposant dans toutes les villes de plus de 3 500 habitants, un quota d’au moins 25 % de logements sociaux.
Plus récemment, l’immeuble-miroir de la « Croisée des Lys » n’a pu se remplir qu’avec l’installation de services de la « Communauté de communes des trois frontières », du Trésor Public, du siège de la Sagel, la société d’économie mixte dont la ville de Saint-Louis est l’actionnaire majoritaire et l’achat de tout un étage par le Comptoir des assurances Steiner, dont les anciens bureaux (en bordure de la placette qui doit recevoir la tour « Convergence ») auront été acquis au préalable par la ville de Saint-Louis, qui en fera des locaux associatifs. Citons également l’étonnant transfert de la Banque populaire du Haut-Rhin, agence de Saint-Louis, qui venait à peine d’étrenner de jolis nouveaux locaux, à l’angle de la rue de Mulhouse et de la rue des Acacias, pour aller intégrer le rez-de-chaussée du nouveau programme immobilier, qui jouxte le restaurant « Le Trianon », celui-là même qui a effacé la belle fresque murale « Un enfant dans la ville » d’Éric Nieder. Le précédent nouveau siège étant racheté par la Sagel, la société d’économie mixte contrôlée par la ville qui vendra quelque temps plus tard le site au promoteur de la tour « Alcazar »… Ces péripéties montrent qu’en dépit de la forte demande pour habiter Saint-Louis, aux portes de Bâle, les programmes immobiliers stratégiques ont besoin du coup de pouce de la ville, ou autres institutions d’intérêt public, pour être conduits à bon port.
Or, la tour « Convergence » doit encore compter avec une concurrence exacerbée de programmes immobiliers, en cours ou en préparation avancée, à la ville, comme à la campagne périphérique. Projet « Archipel », à l’angle des rues de Bâle et du Rhône, ZAC à Saint-Louis-la-Chaussée, ensemble d’immeubles rue de la Fraternité, à Bourgfelden, résorption de dents creuses, rue de Mulhouse, résidence du Marché, à Saint-Louis même. Ensuite, l’imposante urbanisation des bords du Rhin, à Huningue, la frénésie des projets immobiliers, à Village-Neuf, Blotzheim, Hésingue, Kembs, Sierentz etc.
Les futurs acquéreurs de lots habitables n’ont que l’embarras des offres, et il n’est pas sûr que la tour « Convergence », implantée à un carrefour forcément bruyant et encombré, soit leur premier et meilleur choix. Le scénario de « La Tour infernale » est certes une invention de cinéaste. Mais tout de même, au pays où de vénérables cathédrales de pierre peuvent être la proie des flammes, on n’est pas à l’abri dans n’importe quel immeuble, petit ou haut, d’un départ d’incendie, à cause d’une étincelle inopinée dans un circuit électrique ou une friteuse en feu dans un logis. Sans évoquer le pire, pensons à une banale panne d’ascenseur. Combien y en aura-t-il au juste pour desservir les quatre-vingt-seize logements des dix-sept étages ? Dans les résidences Baerenfels, à Bourgfelden, par exemple, il y a un ascenseur pour douze logements. Il en faudrait huit pour la future tour « Convergence », pour atteindre seulement le standard d’équipement de Baerenfels, à l’origine des logements sociaux financés avec le Crédit foncier de France. Il y a aussi le surcroît de charges, pour la sécurité, l’entretien, le verdissement de la tour « Convergence », où plusieurs étages sont neutralisés par des jardins à cultiver.
Bref, la commercialisation de ce futur mastodonte urbain, ne sera pas une simple formalité, et le risque est grand, qu’en cas de vente poussive, voire de mévente, la ville de Saint-Louis doive participer au « tour de table » pour sauver l’opération.
Adieu, alors, les revenus espérés en taxes et redevances, et bonjour les regrets d’avoir signé pour cette tour « Convergence », plutôt que pour l’option, plus modeste, d’une rénovation de l’îlot, après achat ou location de la placette-parking. L’ancienne librairie Huffel, puis Ruc, puis boutique de vêtements, avec son look « Art nouveau », n’a-t-elle pas une présence certaine ? Avec le réveil de la jolie maison paysanne, qui la jouxtait avant qu’elle ne disparaisse derrière les murs de protection de la Caisse d’épargne, son avant-dernier occupant, relayé par l’actuelle boutique de lingerie fine – elle formait un îlot plutôt charmant, auquel la bijouterie contiguë ajoutait l’éclat, le brillant de ses vitrines.
Il n’est peut-être pas trop tard pour sauver l’âme du carrefour central de Saint-Louis…
André Meyer, directeur de la Publication du magazine d’informations transfrontalières, « La brique ».
Réponse de Philippe Kniebily, premier adjoint au maire, chargé des finances.
Bonjour chers Mifa et André,
C’est fait (et j’ai même rajouté Bernard Schmitter).
Je vous remercie pour cet article de qualité qui compile bien les enjeux et problématiques actuelles et la complexité de la gestion des affaires communales (surtout quand on a affaire à des initiatives privées et à des transactions et promesses de vente entre privés !).
Je ne suis pas chargé de l’urbanisme, mais veille, dans le cadre légal du PLU adopté, à ce que les prescriptions « énergie » soient prises en compte dans tous les projets. Je laisse le soin à Mme le maire et aux adjoints chargés de ce dossier de vous répondre officiellement sur le sujet.
C’est un vieux projet qui a fait l’objet de nombreux « bras de fer » avec le promoteur pour le faire évoluer alors qu’il était déjà arrêté (car discuté entre Jean-Marie et le promoteur) suite à l’adoption du PLU en 2019 (qui n’avait alors fait réagir personne sur ce sujet du moins !). Le public était concentré sur l’Alcazar et sur le projet Wlym à côté du parc HESS … Le nouveau maire a refusé le projet suite aux élections et a demandé d’en revoir la copie … il faudrait que vous puissiez avoir accès au premier projet !
Pas plus de réactions lors de la réunion publique en centre-ville ou le « projet nouveau » a été présenté. Il aura fallu attendre la fin de la période des possibles recours pour voir se réveiller un collectif de « citoyens » dont de nombreux signataires habitent Village-Neuf, Wentzwiller, Neuwiller et ailleurs ( preuve de l’intérêt qu’ils portent à la ville centre à laquelle ils veulent accéder en voiture ! )
Juste une réaction qui concerne mon domaine (les finances). C’est fini le temps où la ville joue les pompiers de service au secours d’opérations « bancales »…à une époque pas si lointaine ou la ville n’attirait pas tant que cela les investisseurs ( contrairement à aujourd’hui). Fini le temps ou les communes et collectivités locales disposaient encore de moyens : le mandat local s’apparente de plus en plus en mandat de gestion des affaires courantes ,les leviers étant de plus en plus transférés aux intercommunalités (mais la nôtre est fauchée aussi)!
On entend partout «mais la ville n’a qu’à préempter ». Connaissez-vous le budget annuel de la ville pour les acquisitions ?: 300 000 euros ! Cela laisse aujourd’hui la possibilité d’acheter un ou deux studios par an (ce que nous faisons dans l’immeuble face au café littéraire ou nous avons acheté l’an dernier l’ancien local des DNA et où nous possédons déjà 3 apparts). Reste la SAGEL qui a un peu plus de moyens mais qui a grevé ses finances et capacités d’interventions pour préserver l ’avenir et la maitrise de deux des 5 sites Sterling (rue de Delémont et surtout face au FORUM ou là nous aurons la main malgré le prix prohibitif de l’achat de ces terrains)et pour l’achat de l’ancien centre des impôts. Et enfin l’agglo avec la ZAC du Lys .
En tout cas merci de poser le débat car c’est un vrai sujet !
Amitiés
Philippe Kniebily
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